M. G., 35 ans, est adressé dans votre service pour vomissements. Il n’a pas d’antécédents, et prend du paracétamol ponctuellement en cas de douleur comme unique traitement. Il ne fume pas et ne consomme pas d’alcool ou d’autres toxiques.

Depuis 3 semaines, il est fatigué, a perdu l’appétit et a des vomissements de plus en plus fréquents. Il ne signale ni hématémèse ni dysphagie, et a une tendance à la constipation. Il dit boire beaucoup d’eau car il urine souvent, et a noté une perte de poids de 9 kg par rapport à son poids de forme. Il n’a aucune autre plainte.

L’examen clinique retrouve un abdomen souple, dépressible et indolore, et la température est de 36,3 °C. En position couchée, la pression artérielle est à 110/65 mmHg et la fréquence cardiaque à 92/min et, après 3 minutes d’orthostatisme, la pression artérielle est à 105/59 mmHg et la fréquence cardiaque à 108/min.
Question 1: Parmi les signes cliniques ci-dessous, indiquez ceux présentés par le patient et pouvant être secondaires à une déshydratation extracellulaire.
Elle peut aussi se rencontrer en cas de déshydratation intracellulaire (ou globale)
Il s’agit probablement de la cause de la déshydratation chez ce patient
L’hypotension orthostatique se définit comme une diminution de la pression artérielle (PA) systolique d’au moins 20 mmHg et/ou de la PA diastolique d’au moins 10 mmHg survenant dans les 3 minutes suivant un passage en position debout (Société française d’hypertension artérielle).
Question 2: À ce stade, quels diagnostics vous semblent probables chez ce patient ?
Le patient présente un syndrome polyuro-polydipsique, ce qui écarte a priori une hypertension intracrânienne (pas de signes neurologiques ni de céphalées), et rend peu probable une insuffisance surrénalienne.
Une prise de sang faite en ville le matin même retrouve : sodium = 130 mmol/L ; potassium = 3,4 mmol/L ; créatinine = 160 µmol/L ; calcémie corrigée = 2,95 mmol/L ; phosphorémie = 1,2 mmol/L.
La bandelette urinaire retrouve : sang - ; protides + ; glucose - ; cétones + ; leucocytes - ; nitrites -.
Question 3: Parmi les propositions suivantes, lesquelles sont exactes ?
L’hypercalcémie est souvent associée à des troubles digestifs : constipation, nausées, vomissements
L’hypercalcémie est souvent associée à une insuffisance rénale si elle importante, principalement par déshydratation (diurèse osmotique et troubles digestifs)
Ici la phosphorémie est à la limite de la normale (N : 0,8-1,2). Une hyperphosphorémie même plus importante n’a généralement pas de traduction clinique, mais favorise les calcifications artérielles
En revanche, une insuffisance rénale entraîne une hyperphosphorémie
C’est l’hypercalcémie qui est responsable de l’insuffisance rénale
Un électrocardiogramme (ECG) est réalisé.
Question 4: Quel(s) élément(s) présent(s) sur cet ECG est (sont) en faveur d’une hypercalcémie ?
De manière générale en cas d’hypercalcémie, on peut observer sur l’ECG une tachycardie, un raccourcissement et un sous-décalage du segment ST, un raccourcissement de l’intervalle QT corrigé, un allongement de l’intervalle PR pouvant aller jusqu’au bloc auriculo-ventriculaire, une onde T élargie, parfois diphasique.
Vous souhaitez mettre en place une réhydratation intraveineuse.
Question 5: Parmi les propositions suivantes, quels solutés vous semblent adaptés à la situation ?
Une réhydratation dans ce contexte doit apporter eau et sel de manière isotonique : on pourra utiliser du sérum salé isotonique ou du glucosé 5 % avec NaCl 9 g/L. Un apport hypotonique (glucosé avec moins de 9 g/L de NaCl) n’est pas optimal d’autant qu’il existe une hyponatrémie. Le sérum salé hypertonique n’est pas recommandé car de maniement plus délicat (il provoque une expansion volémique rapide, avec un risque d’hypernatrémie), et il n’apportera pas la quantité d’eau suffisante (faibles volumes) pour corriger le trouble de l’hydratation.
La radiographie de thorax (face + profil) est fournie.
Question 6: À ce stade, quel diagnostic vous semble le plus probable ?
La radiographie retrouve des adénopathies hilaires bilatérales, ainsi qu’un discret syndrome interstitiel bilatéral. L’association chez un jeune patient de ces résultats avec une hypercalcémie évoque en premier lieu une sarcoïdose (une tuberculose est plus rarement responsable d’une hypercalcémie si marquée, et aurait probablement entraîné de la fièvre). Un cancer bronchique pourrait être évoqué bien que moins probable chez un jeune adulte non tabagique sans lésion tumorale visible sur le cliché. Un myélome ou une hyperparathyroïdie ne pourraient expliquer la présence d’adénopathies hilaires.
Suite aux anomalies constatées sur la radiographie, un scanner thoracique est réalisé.
Question 7: Parmi les propositions suivantes, lesquelles sont exactes ?
Le syndrome interstitiel visible associe des micronodules et des réticulations, parfois confluents comme dans le poumon droit
De siège hilaire et sous-carénaire
Il n’y a pas de défaut de perfusion visible dans l’artère pulmonaire
La trame osseuse est normale (les zones moins calcifiées antérieures sont les cartilages des jonctions sterno-costales)
Le diagnostic de sarcoïdose est confirmé, et aucune autre atteinte d’organe n’est retrouvée.
Question 8: Parmi les traitements suivants, le(s)quel(s) prescrivez-vous pour traiter l’hypercalcémie ?
L’hydratation est la base du traitement d’une hypercalcémie. La corticothérapie est rapidement efficace en cas de sarcoïdose (et également utilisée pour les étiologies néoplasiques et les myélomes) et est indiquée dans ce contexte. Les bisphosphonates peuvent être proposés en cas d’hypercalcémie sévère en injection intraveineuse (le traitement per os est indiqué dans la prévention de l’ostéoporose), bien que probablement inutiles pour ce patient.
L’épuration extrarénale et la calcitonine sont réservées aux cas d’hypercalcémie avec urgence vitale, de même que le furosémide qui ne sera prescrit qu’après avoir réhydraté le patient.
Vous prescrivez une corticothérapie à la dose de 1 mg/kg/j.
Question 9: Quels conseils hygiéno-diététiques donnez-vous au patient à la mise en place de ce traitement ?
Permet de lutter contre l’amyotrophie, l’ostéoporose et la prise de poids
Un régime normo-calorique semble plus adapté chez ce patient potentiellement dénutri suite aux vomissements
Afin de limiter la prise de poids et l’intolérance au glucose
Inadapté chez ce patient déshydraté (cf. commentaire général)
Inutile en cas de corticothérapie
Les mesures diététiques précises en cas de corticothérapie au long cours sont débattues en l’absence d’étude prouvant leur efficacité. On recommande généralement un régime normo-calorique (à adapter à chaque cas) mais contrôlé en glucides (rapides, mais aussi lents pour certains auteurs).
De même, bien que l’apport sodé optimal ne soit pas connu, on recommande généralement un régime contrôlé en sel (4 g de NaCl/j) ou au minimum normo-sodé (6 g de NaCl/j).
Le patient est né aux Antilles et y a vécu jusqu’à l’âge de 10 ans, puis a déménagé en métropole.
Question 10: Quelle stratégie de déparasitage proposez-vous dans ce contexte ?
Le risque d’anguillulose maligne persiste même des années après avoir quitté la zone d’endémie parasitaire (via des cycles d’auto-infestation). L’examen parasitologique des selles est peu sensible (il faut demander une méthode de Baermann pour rechercher l’anguillule) et donc inutile dans ce contexte. Le déparasitage par ivermectine étant efficace, peu toxique et peu coûteux, il est donc recommandé dès lors que le patient a séjourné en zone d’endémie et quelle qu’en soit l’ancienneté.
Question 11: Quel(s) traitement(s) associé(s) à la corticothérapie prescrivez-vous dans l’immédiat ?
Contre-indiquée en cas d’hypercalcémie
Contre-indiquée en cas d’hypercalcémie
Contre-indiquée en cas d’hypercalcémie
Pourra être arrêtée après arrêt des vomissements et selon l’ionogramme
Une supplémentation en calcium et 25(OH)D est habituellement indiquée dans une corticothérapie au long cours, sauf en cas d’hypercalcémie !
Les bisphosphonates ne sont pas recommandés de manière systématique en cas de corticothérapie au long cours chez un patient jeune (femme non ménopausée et homme < 50 ans). Ils seront prescrits au cas par cas, en cas d’antécédent de fracture et/ou de faible densité osseuse à l’ostéodensitométrie (cf. recommandations du Groupe de recherche et d’information sur les ostéoporoses (GRIO))

 

Le patient s’améliore très rapidement et sort de l’hôpital avec une calcémie normale. Son médecin traitant vous alerte car il ne suit pas les conseils diététiques que vous lui avez donnés, et il a fait réaliser des examens devant une suspicion de diabète cortico-induit : glycémie à 8 heures (à jeun) : 6,9 mmol/L ; glycémie à 14 heures (post-prandiale) : 12 mmol/L ; HbA1C : 5,9 %.
Question 12: Au vu de ces résultats, vous concluez… (Plusieurs réponses possibles.)
Improbable devant une HbA1c normale
Le diabète cortico-induit est un diabète apparaissant sous corticothérapie. On le définit par une glycémie à jeun > 7 mmol/L et/ou une glycémie postprandiale > 11,1 mmol/L chez un patient sous corticoïdes avec une hémoglobine glyquée 6,5 %. Généralement, les glycémies post-prandiales sont les premières à augmenter, et les glycémies augmentent au cours de la journée.
L’épisode est finalement résolutif avec une alimentation plus adaptée et la diminution progressive des doses.
Le patient vous appelle quelques mois plus tard alors qu’il revient d’un séjour de 10 jours en Tunisie. Depuis la veille au soir (jour de son retour), il a des vomissements, des douleurs abdominales diffuses, une diarrhée aqueuse, des frissons et une température mesurée à 38,6 °C. Il est encore traité par prednisone à la dose de 15 mg/j, mais avoue avoir oublié quelques prises. Il ne prend aucun autre traitement, et n’a pas eu de conduite à risque durant le séjour.
Question 13: Parmi les diagnostics suivants, lesquels vous semblent compatibles avec la situation clinique ?
La sarcoïdose ne donne habituellement pas de diarrhées fébriles
Absence de paludisme en Tunisie
Il faut évoquer ici une cause infectieuse en priorité étant donné le contexte de retour de voyage et la fièvre.
De plus, étant donné l’observance douteuse, on peut suspecter un sevrage en corticoïdes qui pourrait également donner des manifestations digestives aspécifiques. Ce diagnostic n’explique toutefois pas les frissons et la fièvre qui sont en rapport avec une infection, mais cette dernière peut avoir favoriser l’insuffisance surrénale (situation de « stress »).
Question 14: Quelle(s) conduite(s) à tenir proposez-vous au patient dans l’immédiat ?
La réalisation au plus vite d’un examen clinique avec des prélèvements bactériologiques (coproculture et hémocultures) est l’attitude à privilégier dans ce contexte. En effet, le terrain d’immunodépression est à prendre en compte dans la décision car une infection bactérienne sévère et/ou une urgence chirurgicale sont à envisager ici, notamment du fait des douleurs abdominales et des frissons.
L’examen clinique n’apporte pas d’éléments supplémentaires. La coproculture met en évidence la présence de Salmonella enteritidis (salmonelle non typhique). Les hémocultures sont négatives. L’équipe mobile d’infectiologie de votre hôpital vous recommande une antibiothérapie courte.
Question 15: Parmi les propositions suivantes, laquelle est exacte ?
Il ne faut pas interrompre brutalement une corticothérapie au long cours. Les risques sont l’insuffisance surrénale (surtout en contexte de stress comme ici), mais également la rechute de la maladie de fond (non traitée par une substitution par hydrocortisone). À l’inverse, il est inutile, voire délétère de majorer la dose de corticoïdes.

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