Monsieur M., 66 ans, arrive au service d’accueil des urgences pour l’apparition d’une douleur thoracique ininterrompue depuis deux heures, survenue alors qu’il lisait un livre dans son salon.

Il a comme unique antécédent une hypertension artérielle traitée par amlodipine.
Question 1 - Parmi les éléments suivants, le(s)quel(s) pourrai(en)t vous orienter vers une origine angineuse de la douleur ?
Une douleur reproductible à la palpation oriente plutôt vers une douleur mécanique musculaire.
Le terrain permet d’orienter le diagnostic. Un patient fumeur, diabétique, dyslipidémique ou hypertendu a un plus haut risque cardiovasculaire que la population générale.
La trinitrine est un dérivé nitré vasodilatateur artériel. Son utilisation en cas de douleur angineuse peut permettre de faire disparaître la douleur. Attention ! Une douleur persistante après administration de trinitrine ne doit pas éliminer un infarctus du myocarde pour autant.
La douleur angineuse est classiquement rétrosternale et constrictive. Une douleur latéro-thoracique doit faire évoquer plus facilement une embolie pulmonaire ou un pneumothorax.
L’hérédité est un facteur de risque cardiovasculaire important. Un antécédent d’événement cardiovasculaire avant 55 ans chez l’homme apparentée au 1er degré (65 ans chez la femme) augmente significativement le risque cardiovasculaire.
Devant une douleur thoracique, les quatre diagnostics à évoquer sont :
– péricardite ;
– infarctus du myocarde ;
– embolie pulmonaire ;
– dissection aortique.
C’est en premier lieu le terrain qui vous orientera vers l’un ou l’autre de ces diagnostics, afin de réaliser des examens complémentaires adaptés. Une douleur angineuse chez un patient à haut risque cardiovasculaire orientera plus volontairement vers un infarctus du myocarde, urgence diagnostique et thérapeutique.
Monsieur M. a en effet une douleur rétrosternale constrictive. Il a bénéficié en préhospitalier d’une dose de trinitrine n’ayant pas eu d’impact sur la douleur.
Question 2 - Quel examen devez-vous réaliser en première intention ?
Toute douleur thoracique doit faire réaliser un ECG en première intention.
En effet, l’infarctus du myocarde est une urgence thérapeutique dont le diagnostic peut être fait avec un ECG en cas de mise en évidence d’un sus-décalage du segment ST.
Vous réalisez un ECG dès l’admission aux urgences.
Figure 1 (Elon Zerah, La Revue du Praticien)
Question 3 - À propos de cet électrocardiogramme (une ou plusieurs réponses exactes) :
Le rythme est sinusal quand chaque QRS est précédée d’une onde P, chaque onde P est suivie d’un QRS et que les ondes P sont négatives dans les dérivations inférieures (DII, DIII et aVF).
Les QRS sont fins ( 90 ms).
On note un sus-décalage du segment ST dans les dérivations antérieures (V2, V3 et V4).
On note un sus-décalage du segment ST dans les dérivations latérales (V5, V6, DI, aVL).
L’axe des QRS est normal (entre -30° et +90°) car DI et aVF sont positifs.
L’ECG retrouve un infarctus du myocarde avec sus-décalage du segment ST sans autre anomalie notable.
Vous diagnostiquez un infarctus du myocarde avec sus-décalage du segment ST dans le territoire antérieur étendu. Pendant que vous organisez le transfert en coronarographie pour une désobstruction coronaire en urgence, Monsieur M. a une dyspnée aiguë. L’auscultation retrouve des crépitants bilatéraux jusqu’à l’apex pulmonaire. Il n’y a pas de signes d’insuffisance cardiaque droite. La tension artérielle est conservée.
Question 4 - Quel(s) diagnostic(s) pouvez-vous évoquer ?
Lors d’un infarctus du myocarde, on peut observer une insuffisance mitrale mais qui est liée à une rupture de pilier.
La tamponnade correspond à un état de choc avec hypotension par collapsus des cavités droites. On observerait alors des signes d’insuffisance ventriculaire droite.
Le contexte et l’examen clinique n’orientent pas vers ce diagnostic.
Une tachycardie ventriculaire peut s’observer dans la phase aiguë d’un infarctus et être responsable d’une insuffisance ventriculaire gauche à l’origine de la dyspnée.
La principale complication de l’infarctus du myocarde est l’œdème aigu pulmonaire par insuffisance ventriculaire gauche.
L’épisode d’insuffisance ventriculaire gauche est résolutif par prise en charge adéquate par Risordan et furosémide.
Vous transférez le patient en coronarographie en urgence qui retrouve une occlusion aiguë de l’artère interventriculaire antérieure. Monsieur M. bénéficie d’une désobstruction coronaire par thrombo-aspiration et mise en place d’un stent actif.
Vous hospitalisez votre patient en unité de soins intensifs de cardiologie (USIC).
À vingt-quatre heures de la prise en charge, Monsieur M. est en arrêt cardiocirculatoire. Vous réalisez un ECG en urgence.
Figure 2 (Elon Zerah, La Revue du Praticien)
Question 5 - À propos de cet ECG (une ou plusieurs réponses exactes) :
Il s’agit d’une fibrillation ventriculaire. En cas de tachycardie ventriculaire, on aurait une activité ventriculaire organisée avec des QRS de même morphologie et réguliers.
En cas d’arrêt cardiorespiratoire sur rythme choquable, on pourra administrer de la Cordarone en cas d’échec des deux premiers chocs électriques externes.
La fibrillation ventriculaire est une complication redoutée du syndrome coronarien aigu. Il faut la prendre en charge comme un arrêt cardiorespiratoire sur rythme choquable.
Vous parvenez à réduire cette fibrillation ventriculaire après un choc électrique externe à intensité maximale. Le séjour en USIC se déroule sans autre complication et vous souhaitez mettre en place un traitement de sortie par Kardégic, ticagrélor, atorvastatine.
Question 6 - Quels éléments pourraient vous amener à modifier l’ordonnance de sortie du patient ?
Une FEVG 40 % fera prescrire à la sortie un traitement par bloqueur du système rénine-angiotensine (SRA) et bêtabloquant.
Le LDLc doit être 0,55 g/dL ET diminué par deux en cas de syndrome coronarien. Un LDLc  0,55 g/dL spontanément fera quand même prescrire des statines à la sortie.
La découverte d’un diabète imposera de le traiter adéquatement.
La persistance de signes congestifs amènera à prescrire un diurétique de l’anse à la sortie du patient.
L’apparition d’une FA > 48 h après l’infarctus du myocarde indiquera dans ce contexte une anticoagulation curative à vie (score Chadsva).
Le traitement d’un syndrome coronarien aigu impliquera forcément une bithérapie antiplaquettaire pendant un an suivi d’un traitement par Kardégic seul au long cours. Il conviendra également de maîtriser les facteurs de risque cardiovasculaire par l’ajout systématique de statines. Un traitement par bêtabloquant et inhibiteur de l’enzyme de conversion pourra être ajouté en fonction de la FEVG.
L’échocardiographie transthoracique (ETT) de sortie retrouve une FEVG à 30 %. Monsieur M. quitte votre service avec un traitement par Kardégic, ticagrélor, atorvastatine, périndopril, bisoprolol.
Question 7 - Par rapport à la population générale (une ou plusieurs réponses exactes) :
Un patient ayant déjà eu un événement cardiovasculaire a d’autant plus de chance d’en avoir un à nouveau, indépendamment de son traitement médicamenteux.
Le risque cardiovasculaire des enfants de Monsieur M. n’augmente pas car celui-ci a eu son événement à l’âge de 66 ans (hérédité uniquement si l’événement cardiovasculaire a lieu chez un apparenté au premier degré masculin 55 ans).
Une bithérapie antiplaquettaire augmente le risque d’ulcère gastrique, d’autant que l’ordonnance de sortie ne comporte pas d’inhibiteur de la pompe à protons.
Deux raisons à cela :
– en cas de FEVG < 35 % à six semaines de l’infarctus, Monsieur M. aura une indication à la pose d’un DAI en prévention primaire en prévention du risque de mort subite ;
– un patient ayant eu un infarctus du myocarde peut avoir à tout moment un trouble du rythme ventriculaire indiquant un DAI en prévention secondaire.
La rééducation cardiovasculaire est systématique dans les suites d’un infarctus du myocarde.

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