Vous êtes appelé par la sage-femme à la maternité pour un nouveau-né, le petit Enzo, qui, à cinq jours de vie, présente des sécrétions muco-purulentes, collant les paupières.

À l’examen, vous observez une rougeur conjonctivale diffuse, bilatérale sans pseudomembranes aux deux yeux. Le test à la fluorescéine est négatif de façon bilatérale.

La chambre antérieure est calme aux deux yeux, sans hypopion, ni hyphéma.

La pression intra-oculaire (PIO) est de 12 mmHg aux deux yeux. Le fond d’œil retrouve un vitré clair, papille c/d 0.1 à droite et à gauche, une macula sans particularités et une périphérie normale.
Question 1. Le diagnostic le plus probable est :
Fond d’œil : papille non excavée, PIO normale aux deux yeux
Chambre antérieure calme aux deux yeux
Fluorescéine négatif
Fond d’œil normal
La conjonctivite bactérienne due à Neisseria gonorrhoeæ ou Chlamydia trachomatis est la cause la plus probable.
Question 2. Le traitement à mettre en place comprend :
Il faudra éviter les corticoïdes dans ce contexte infectieux 
Une antibiothérapie locale est suffisante
Traitement de la conjonctivite aiguë néonatale :
– lavages oculaires multiples au sérum physiologique ;
– traitement antibiotique local par rifamycine ;
– surveillance.
Germes ciblés : Neisseria gonorrhoeæ et Chlamydia trachomatis.
Vous revoyez cet enfant à l’âge de 9 mois. Les parents rapportent des épisodes intermittents où l’œil droit « rentre » en dedans. Ces épisodes durent plusieurs minutes et sont spontanément résolutifs.
Question 3. L’examen de cet enfant comporte :
L’acuité visuelle est mesurable précisément à partir de l’âge de 2 ans
Permet de faire la distinction avec strabismes paralytiques où la motilité est perturbée et les strabismes concomitants (absence de déficit systématisé de la motilité oculaire)
Dépistage d’une amétropie. Nécessite à cet âge une préparation par collyre cycloplégique pour paralyser l’accommodation
Par exemple, test de Lang
L’examen à la lampe à fente avec fond d’œil recherche une perte de la transparence des milieux (taie cornéenne, cataracte…) ou une pathologie rétinienne (rétinoblastome, maculopathie…).
La présence d’une hypermétropie est fréquemment associée au strabisme.
La présence d’une vision binoculaire est un élément pronostic majeur du traitement.
Il faudra également mesurer l’angle de déviation strabique, sans, puis avec correction, car si le strabisme est purement accommodatif, il doit régresser après port d’une correction optique.
Vous retrouvez un strabisme convergent avec amblyopie de l’œil droit. L’examen clinique ne retrouve pas d’anomalies à la lampe à fente et au fond d’œil.
L’auto-réfractomètre vous donne comme mesure sous collyre cycloplégique :
– œil droit (OD) : +6,00 (-1,00 à 180°) ;
– œil gauche (OG) : +3,50 (-1,50 à 170°).
Question 4. Concernant la réfraction de cette enfant :
Hypermétrope de +6,00 dioptries à droite et +3,50 dioptries à gauche
Il présente un cylindre dans la correction lunettes aux deux yeux. La présence d’un axe dans correction optique est associée à un astigmatisme
+6,00 à droite contre +3,50 dioptries à gauche
Myopie = œil trop long ou trop convergent. Il en existe 3 types : myopie d’indice, myopie de courbure et myopie axile. La correction se fait par des verres sphériques concaves ou des lentilles ou une chirurgie réfractive.
Hypermétropie = œil trop court ou pas assez puissant. En cas d’hypermétropie modérée, en accommodant le sujet peut « pallier » le manque réfractif de son œil hypermétrope. Mais une asthénopie accommodative peut se développer, avec céphalées et flou visuel. La correction se fait par des verres sphériques convexes ou des lentilles ou une chirurgie réfractive.
Astigmatisme = la cornée n’est plus une sphère de courbure régulière mais c’est une surface torique dont les méridiens présentent des rayons de courbure différents. Selon la position des focales, on distingue astigmatisme myopique, hypermétropique et mixte. La correction se fait par des verres cylindriques concaves ou convexes ou des lentilles ou une chirurgie réfractive.
Question 5. Le traitement à mettre en place chez cet enfant comprend
Traitement de l’amblyopie
La chirurgie est à prévoir en cas d’angle résiduel avec la correction optique totale
Risque d’amblyopie sévère et définitive si absence de traitement
Strabisme = perte du parallélisme des axes visuels. Prévalence estimée à 4 % de la population.
La prise en charge d’un strabisme est une urgence fonctionnelle du fait du risque d’amblyopie.
Le traitement de l’amblyopie doit être maintenu jusqu’à 6 à 8 ans (fin du développement visuel de l’enfant).
Tout patient strabique et/ou amblyope doit porter une correction optique totale.
En cas d’amblyopie, l’œil dominant doit être occlus soit avec un patch, soit par pénalisation optique alternée.
Un traitement chirurgical est nécessaire en cas d’angle résiduel avec la correction optique totale. Il consiste à affaiblir ou renforcer certains muscles oculomoteurs afin de retrouver un alignement.
Finalement, le traitement est bien réalisé par les parents et l’enfant retrouve une acuité visuelle à 10/10e aux deux yeux lors des consultations de contrôle.
Le petit Enzo revient vous voir à l’âge adulte. Il est gêné dans sa vie quotidienne, il dit avoir du mal à conduire car ne voit pas les voitures arrivant sur les côtés. Il ne voit pas double et ne se plaint pas de douleurs, parfois des maux de tête.
Son acuité visuelle corrigée est de 10/10e Parinaud 2 à droite et 10/10e Parinaud 2 à gauche. L’examen ophtalmologique à la lampe à fente montre une cornée claire, une chambre antérieure calme et une PIO à 15 mmHg aux deux yeux. Le patient ne rapporte pas d'antécédents de traumatisme récent.
Question 6 : Les examens à réaliser rapidement sont :
Elle ne sera à réaliser qu’en cas de fond d’œil non accessible, pas en première intention
Indispensable et à réaliser avant dilatation pupillaire
Recherche d’une atteinte du champ visuel temporal
Pas de diplopie
Pas de baisse d’acuité visuelle, pas d’orientation vers une pathologie maculaire (baisse d’acuité visuelle, scotome central, métamorphopsies…)
Ici, nous nous orientons vers une altération du champ visuel et donc une pathologie neuro-ophtalmologique.
Le fond d’œil gauche est sans particularités. Le fond d’œil droit est le suivant :
 

 

 

Question 7. Vous retrouvez sur cet examen :
Il s’agit d’un fond d’œil sans particularités
La papille est bien colorée, non œdématiée, avec des bords bien nets et non excavés
Il n’y a pas d’œdème maculaire, un reflet est cependant visible au niveau maculaire et est physiologique chez le sujet jeune
La rétine est bien à plat sur la rétino-photographie
Une anomalie du champ visuel n’a pas forcément pour origine une atteinte au niveau du fond d’œil.
Dans les adénomes hypophysaires, le fond d’œil est souvent normal. S’il existe une hypertension intracrânienne, un œdème papillaire peut être retrouvé.
Vous réalisez un champ visuel :

 
Question 8. L’anomalie visible sur le champ visuel est :
Présent dans la neuropathie glaucomateuse 
Le champ visuel utilisé est un champ visuel de Goldmann.
Un champ visuel s’interprète comme si le patient était « à votre place », donc ce qui est à gauche est le champ visuel gauche et à droite respectivement.
Ici, la partie temporale du champ visuel des deux côtés est atteinte. On parle d’hémianopsie bitemporale.
Un adénome hypophysaire avec expansion supra-sellaire peut comprimer le chiasma optique et donner des troubles visuels à type d’hémianopsie bitemporale.
En cas d’atteinte du sinus caverneux, l’oculomotricité peut être atteinte.
Question 9. Le territoire atteint responsable de l’anomalie visible au champ visuel est :
Plutôt un scotome central
Plutôt une hémianopsie latérale homonyme
Plutôt une quadranopsie latérale homonyme
Une hémianopsie bitemporale est due à une lésion chiasmatique 
Devant l’anomalie du champ visuel, l’examen suivant est réalisé 

 

Question 10. Qu'en pensez-vous ?
Coupe coronale
L’examen montre une lésion au niveau hypophysaire typique d’adénome
L’IRM est l’examen de référence pour les adénomes hypophysaires. On définit un macro-adénome par sa taille supérieure à 10 mm de diamètre.
Un bilan en endocrinologie devra être réalisé afin de détecter une insuffisance antéhypophysaire et/ou un syndrome sécrétant.
L’IRM hypophysaire montre la présence d’un adénome hypophysaire. Après bilan hormonal complet, vous ne retrouvez aucun déficit. La réunion de concertation pluridisciplinaire propose la réalisation de l’exérèse chirurgicale de l’adénome.
Le patient est pris en charge en endocrinologie et en neurochirurgie. Un champ visuel réalisé à un an montre la persistance de quelques scotomes latéraux séquellaires.
Il revient vous voir en urgence, deux ans plus tard, pour une projection d’un mélange à base de chaux dans son œil droit survenue une heure plus tôt dans le chantier où il travaille depuis peu.
L’œil droit est rouge et douloureux avec blépharospasme.
Question 11 L’examen clinique comporte :
Le patient a reçu une projection de mélange chimique, il est extrêmement important de connaître le pH du produit pour le pronostic de la brûlure. Ici, le mélange à base de chaux laisse supposer que ce sera basique
Inutile dans cette situation, utile dans la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) exsudative
Il faudra penser aux mesures associées car il s’agit d’un accident du travail.
Vous retrouvez un pH dans les larmes à 12. L’examen retrouve :
– acuité visuelle corrigée de l’œil droit 1/10 et de l’œil gauche 10/10 ;
– lampe à fente : hyperhémie conjonctivale diffuse (œil droit) ; œil blanc, indolore (œil gauche) ;
– test à la fluorescéine : ulcère quasi pan-cornéen avec une ischémie limbique sur 300°, avec des opacités cornéennes. Il n’y a pas de Seidel (œil droit) ; test à la fluorescéine négatif (œil gauche) ;
– chambre antérieure calme, pas d’hypopion, pas d’hyphéma ;
– PIO : 10 mmHg et 11 mmHg avec une pachymétrie à 520 µm aux deux yeux (normale environ 550 µm) ;
– fond d’œil bilatéral : papille et macula sans anomalies, périphérie sans particularités.
Question 12. Concernant l’examen clinique :
Une pachymétrie fine sous-estime la pression intra-oculaire
Surtout en cas de produit basique ++
Les brûlures acides forment des complexes avec les protéines du stroma, donc les lésions sont d’emblée installées et ne progressent pas. Gravité moyenne le plus souvent.
Les brûlures basiques réagissent avec les acides gras par saponification, détruisant ainsi les membranes cellulaires, ce qui va permettre une pénétration plus rapide dans les tissus sous-jacents. Gravité plus importante.
Les produits basiques pénètrent dans le stroma puis en chambre antérieure. Cette progression se fait pendant 48 heures d’où la nécessité de répéter les examens ophtalmologiques.
Le pronostic s’évalue après instillation de fluorescéine et inspection en lumière bleue en utilisant la classification de Roper Hall (4 grades). Voir tableau 1.
Atteinte limbique de mauvais pronostic car réservoir en cellules souches de l’épithélium cornéen.
Ici, nous sommes face à un grade 4 du fait de l’ischémie qui atteint plus de la moitié de la circonférence limbique.

 


Tableau 1. Classification de Roper Hall
   
Grade IAtteinte épithéliale pureAbsence d’opacité cornéenneAbsence d’ischémie limbiqueExcellent pronostic
Grade IICornée modérément troubleDétails de l’iris analysablesIschémie limbique entre 120° et180°Bon pronostic
Grade IIICornée troubleDétails de l’iris non analysablesIschémie limbique entre 120° et180°Pronostic réservé
Grade IVCornée opaque ne permettant plus la visualisation de l’irisIschémies limbique supérieure à180°Mauvais pronostic
   

Issu de : Rapport 2015 Surface Oculaire – SFO - Chapitre 12 Pathologies spécifiques - http://www.em-consulte.com/em/SFO/2015/html/file_100024.html
Question 13. Le traitement de cette brûlure comprend :
Lavage abondamment et longuement (20 à 30 minutes)
Traitement en urgence +++.
Instiller un collyre anesthésique en l’absence d’ouverture palpébrale spontanée.
Lavage abondant et longuement (20-30 minutes) de l’œil et des culs-de-sac conjonctivaux.
Ablation d’éventuels corps étrangers.
Mesure du pH des larmes par bandelettes jusqu’à obtention d’un pH neutre.
Collyre corticoïdes le plus précoce possible. En cas de brûlure importante, une injection sous-conjonctivale de corticoïdes peut être réalisée.
Substitutifs lacrymaux.
Collyre antibiotique.
+/- Collyre cycloplégique à visée antalgique et préventif de synéchies, antalgiques per os, vitamine C.
Contrôle à 48 heures.
Un traitement chirurgical peut être nécessaire en phase aiguë (greffe de membrane amniotique) en cas de brûlure très sévère ou plus tardivement avec utilisation d’allo- ou d’autogreffes de cellules souches limbiques, de greffe de cornée…
D’autres traitements sont utilisés selon les équipes : vitamine C, antibiotiques à visée antiinflammatoire, collyre atropine à visée mydriatique et cycloplégique
Malgré un traitement optimal, le patient revient vous voir l’année suivante car son acuité visuelle à droite est limitée à 1/10e non améliorable malgré une correction par lunettes.
L’examen à la lampe à fente montre :

 
Question 14. La prise en charge de ce patient repose sur :
Présence d’opacités cornéennes qui ne seront pas corrigées après une adaptation en lentilles
La greffe sera transfixiante du fait des opacités
Il s’agit du traitement de la cataracte. Ici, le patient ne présente pas de cataracte
Une chirurgie réfractive a pour but de se « passer » de correction optique type lunettes ou lentilles. Ce n’est pas le problème de ce patient
But du traitement : remplacer une cornée opaque du patient par une cornée saine et transparente.
Homogreffe de cornée.
La cornée est de façon générale un « bon » site de greffe du fait de son caractère avasculaire. La présence de néovaisseaux augmente cependant le risque de rejet chez ce patient.
Plusieurs types de greffe sont possibles de façon générale :
– kératoplastie transfixiante : remplacement de la cornée pathologique sur un diamètre d’environ 8 mm par une cornée saine dans toute son épaisseur ;
– kératoplastie lamellaire antérieure : on laisse en place chez le receveur la membrane de Descemet et l’endothélium. Seule la partie antérieure de la cornée est greffée. Exemple : kératocône, séquelles de kératite infectieuse… ;
– kératoplastie endothéliale : seules les membranes de Descemet et l’endothélium sont greffés. Exemple : dystrophie de Fuchs/dystrophie bulleuse…
Un traitement post-greffe sera nécessaire pendant au moins un an.
Un suivi régulier sera nécessaire avec des consultations postopératoires. Les signes faisant évoquer un rejet débutant (rougeur, douleur, baisse d’acuité visuelle…) sont expliqués au patient qui reconsultera en urgence dès le moindre signe.
 
Références bibliographiquesCollège des ophtalmologistes universitaires de France (COUF), 4e édition.J-J Gicquel et H. Dua, Brûlures cornéenes, EMC Ophtalmologie, 2011.Iconographie : source personnelle pour les photos 1, 2, 4, 5 et 6.Image 3 : Collège des enseignants de neurologie.Tableau 1 : J-J Gicquel et H. Dua, Brûlures cornéennes, EMC Ophtalmologie, 2011.

 

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