Un enfant de 2 ans est amené pour une boiterie survenue 48 heures auparavant, avec une impossibilité progressive de marcher et de poser la jambe droite.
Il est accompagné par ses grands-parents qui le gardent depuis le matin. Les parents ne semblaient pas inquiets en leur confiant l’enfant.
Il n’y a aucune notion de traumatisme. L’enfant n’est pas fébrile.
L’interrogatoire des grands-parents ne révèle rien de particulier. Ils n’ont pas le carnet de santé. Ils disent que l’enfant ne se plaint pas de douleur.
Vous pratiquez une radiographie du membre inférieur droit. Elle montre une fracture transversale du col du fémur.
Figure.
Question 1 – Peut-on admettre un diagnostic de traumatisme passé inaperçu ?
Il n’est pas « plausible » qu’une fracture du col du fémur survienne sans situation traumatique importante connue chez l’enfant (accident de la voie publique, par exemple). Ces fractures spontanées ne surviennent que chez des personnes âgées ou porteuses d’une fragilité osseuse.
Question 2 – Sur quels éléments fondez-vous votre suspicion de traumatisme infligé ?
Outre la localisation suspecte, la prise en charge de la famille est inadaptée. La fracture du col du fémur est très douloureuse et la famille n’évoque aucun épisode de douleur. Le motif de consultation est une boiterie !
Question 3 – Quels éléments supplémentaires recherchez-vous dans l’anamnèse ?
L’analyse de l’anamnèse immédiate permet d’éliminer une circonstance traumatique plausible. Dans ce cas, il faudrait retrouver un accident grave (du type accident de la circulation). L’histoire médicale de cet enfant est analysée par l’examen du carnet de santé : hospitalisations, suivi médical, notions de négligence (calendrier vaccinal, etc.) Les facteurs de risques personnels et familiaux sont recherchés.
Question 4 – Mettez-vous en place un traitement antalgique malgré l’absence de douleur apparente ?
Le traitement antalgique doit être mis en place systématiquement en accompagnement de la prise en charge orthopédique. On sait que le traitement de la douleur est suboptimal dans les situations de maltraitance. Les expressions de la douleur sont modifiées et le traitement de la douleur doit donc être anticipé et systématique.
Question 5 – Quel bilan complémentaire demandez-vous ?
Le bilan complémentaire a deux objectifs : dépister d’autres signes de maltraitance et faire le diagnostic différentiel des situations qui ont amené à la prise en charge (fractures). On recherche donc d’autres fractures par la radiographie du squelette complet et une scintigraphie osseuse. Dans le cas de cet enfant, plusieurs fractures anciennes ont été découvertes : fractures de côtes et de l’avant-bras au stade de cal. Les diagnostics différentiels sont éliminés : dans le cas de fractures multiples, il faut s’assurer qu’il n’existe pas de cause de fragilité osseuse. Le principal diagnostic est l’ostéogenèse imparfaite, maladie génétique grave. L’aspect osseux visible sur les radiographies de cet enfant n’est pas en faveur de ce diagnostic. Un avis spécialisé radiologique doit systématiquement l’éliminer. Il faut également écarter les autres causes de fragilité osseuse par un bilan phosphocalcique complet.
Question 6 – Pourquoi et par quels moyens allez-vous le protéger ?
La première protection est une mise à l’abri dans la structure hospitalière pédiatrique afin de l’éloigner des auteurs présumés de cette violence subie. Une autre protection est constituée par sa prise en charge médicale orthopédique avec traitement de la douleur adaptée. Dans le même temps, un signalement dirigé vers le procureur de la République demande une protection juridique et sociale : mesure d’éloignement, enquête judiciaire, poursuite par une protection sociale adaptée. La prévention des récidives est essentielle, tout comme la prise en charge psychologique pour atténuer les conséquences du psychotraumatisme toujours associé.
Question 7 – Qu’est-ce qu’une information préoccupante (IP) ? Vers qui doit-elle être dirigée ? Est-elle indiquée dans ce cas ?
Il s’agit de la transmission de tout élément d’information, y compris médical, susceptible de laisser craindre qu’un enfant se trouve en situation de danger ou en risque de danger et puisse avoir besoin d’aide. Pour le médecin, l’IP est rédigée comme le signalement sous forme d’un certificat médical.L’IP (ancien signalement administratif) est transmise à la cellule de recueil des informations préoccupantes (CRIP). Elle ne peut être la seule démarche dans ce cas car il s’agit d’une forme grave avérée de maltraitance. Le signalement est obligatoire et l’IP l’accompagne.
Question 8 – Donnez la définition du signalement. Vers qui doit-il être dirigé ? Est-il indiqué dans ce cas ?
Le terme signalement est réservé depuis 2007 à l’information judiciaire en matière de maltraitance des enfants. Le signalement est utilisé pour les formes graves de maltraitance et les abus sexuels. Il correspond à des demandes de décision de protection en urgence ; par exemple, dans ce cas, il s’agit d’une ordonnance provisoire de placement (OPP) et d’une saisine du juge des enfants. Le signalement est en principe accompagné d’une IP.