Prostate cancer screening in the randomized prostate, lung, colorectal, and ovarian cancer screening trial: mortality results after 13 years of follow-up

Gerald L. Andriole, E. David Crawford, Robert L. Grubb III, Saundra S. Buys, David Chia, Timothy R. Church, Mona N. Fouad, Claudine Isaacs, Paul A. Kvale, Douglas J. Reding, Joel L. Weissfeld, Lance A. Yokochi, Barbara O’Brien, Lawrence R. Ragard, Jonathan D. Clapp, Joshua M. Rathmell, Thomas L. Riley, Ann W. Hsing, Grant Izmirlian, Paul F. Pinsky, Barnett S. Kramer, Anthony B. Miller, John K. Gohagan, Philip C. Prorok; for the PLCO Project Team.

JNCI: Journal of the National Cancer Institute, Volume 104, Issue 2, 18 January 2012, Pages 125-132. doi: 10.1093/jnci/djr500 Published by Oxford University Press 2012.
Question 1 - Que pensez-vous du design de cette étude de dépistage ?
Il s’agit bien d’une étude de dépistage (critère de jugement : mortalité spécifique) et non de diagnostic (critère de jugement : caractéristiques du test : sensibilité, spécificité).
Il s’agit bien sûr d’une étude prospective où l’acquisition des données se fait de manière longitudinale.
Bien évidemment, avec la participation de 10 centres : Birmingham, Denver, Detroit, etc.
La randomisation permet de comparer les deux groupes sur des facteurs connus (facteurs de risque de cancer de la prostate, par exemple) et inconnus. La seule différence est alors l’intervention du test de dépistage.
Chaque centre obtenait un accord annuel par son Institutional Review Board (= comité d’éthique) et un consentement signé était recueilli.
Il s’agit d’une des deux grandes études de dépistage réalisées sur le dépistage de cancer de la prostate, avec l’étude ERSPC. Elle suit un design d’étude de dépistage : randomisation entre un bras dépisté et un bras non dépisté, avec comme critère de jugement principal la mortalité spécifique.
Question 2 - Que pensez-vous du critère de jugement principal de l’étude ?
Le critère de jugement est bien la mortalité spécifique par cancer de prostate, critère unique.
La mortalité est un critère on ne peut plus objectif.
La meilleure façon d’évaluer une campagne de dépistage est bien de comparer la mortalité spécifique entre deux échantillons tirés au sort.
Certaines maladies ont une histoire naturelle où la mortalité peut diminuer au fil du temps. Dans ce cas, le test de dépistage avant/après trouvera forcément une baisse de mortalité. Il faut dans ce cas évaluer la cassure de la baisse de mortalité.
Le biais majeur de la mortalité spécifique est de bien savoir la cause de la mort. Le risque est alors celui d’une mauvaise attribution des causes du décès.
« Le critère de jugement idéal lors d’une étude évaluant l’efficacité du dépistage est le taux de mortalité ou de morbidité spécifique de la maladie dépistée. La réduction de la mortalité signe la prévention des décès spécifiques liés à la maladie recherchée, ou, du moins, le fait qu’ils aient été dépistés au-delà de la période de suivi. La baisse de l’incidence d’une maladie est également un critère pertinent lorsqu’on détecte une « pré-maladie » (cancers du col, du côlon, hypertension artérielle). »
Source : Guide méthodologique : comment évaluer a priori un programme de dépistage ? ANAES, 2004.
Question 3 - Comment interprétez-vous les résultats ?
Bien souvent, le dépistage augmente l’incidence de la maladie en détectant plus de malades (figure 2 dans l’article).
Risque relatif (RR) = 1,12 ; intervalle de confiance à 95 % (IC95) = 1,07-1,17 (l’IC exclut bien 1, ce qui témoigne de la significativité du RR).
RR = 1,09, donc les individus du groupe dépistage avaient 1,09 fois plus de risque de décéder d’un cancer de prostate.
RR = 1,09 ; IC95 = 0,87-1,36.
Cf. tableau 1 dans l’article.
Le risque relatif s’interprète toujours avec son intervalle de confiance. Un RR de 10, IC95 à 8-12 signifie que les sujets ont entre 8 et 12 fois plus de risque de développer la maladie. Si l’intervalle de confiance comprend 1, alors les sujets pourraient avoir le même risque (fois 1) de développer la maladie, donc il n’y a pas d’augmentation significative du risque.
 Le risque de décès par autre cause que le cancer de prostate était à la limite de la significativité (RR = 0,96, IC95 = 0,93-1,00). Cela soulève la question sur un biais lié à l’attribution des causes du décès (peut-être qu’il n’y a pas de différence de mortalité car des décès ont été attribués au cancer de la prostate dans le groupe dépistage alors que la cause était autre (« the sticky diagnosis effect »).
Question 4 - Quels sont les arguments avancés par les auteurs pour en limiter l’impact ?
Il y avait plus d’AVC dans le groupe contrôle.
Cette hypothèse n’est pas testée par les auteurs et de toute façon ne changerait pas l’interprétation.
Les réponses à cette question sont à chercher dans le 4e paragraphe en partant de la fin où les auteurs discutent ce point. On peut tout de même s’interroger sur la conclusion des auteurs : « les fluctuations d’échantillonnage et les biais ne peuvent expliquer les résultats (de non-différence de mortalité) » qui repose sûrement sur la puissance apportée par le nombre de patients.
Question 5 - Quelle est votre interprétation de la phrase : « PSA screening in the control arm was estimated to be 52% during the time period of the last round of screening in the intervention arm » (2e paragraphe de la discussion) ?
L’étude place le groupe contrôle dans des conditions habituelles de prise en charge où les personnes du groupe contrôle peuvent avoir un dosage de PSA sans être exclues de l’analyse.
En effet, si le groupe contrôle devient trop proche du groupe intervention en termes de dosage de PSA, le risque bien est de minimiser une différence.
Ce biais de contamination majeur a été la principale critique faite à l’étude PLCO. En effet, de nombreux patients du groupe contrôle avaient en réalité des dosages de PSA réguliers (notamment aux États-Unis où des bilans complets sont fréquemment réalisés lors d’un emprunt ou d’une souscription à une assurance), ce qui diminue l’impact de l’intervention dans le groupe dépistage.
Question 6 - Quels critères d’intérêt au dépistage du cancer de la prostate retenez-vous à la lumière de vos connaissances et de cette étude ?
Il s’agit bien du cancer le plus fréquent chez l’homme mais comme le montre aussi cette étude la mortalité par cancer de la prostate est faible. Il reste cependant le 5e cancer le plus mortel chez l’homme.
Beaucoup de cancers de prostate sont aujourd’hui diagnostiqués à une phase asymptomatique.
L’histoire est de mieux en mieux connue. Cependant, le grading du cancer et son niveau d’agressivité (de très faible à très agressif) nécessite encore des précisions sur le niveau de traitement, comme le montre entre autres la nouvelle classification ISUP qui remplace progressivement le score de Gleason.
L’arsenal thérapeutique rappelé dans le tableau 2 montre bien que des traitements efficaces sont disponibles.
Le PSA est un bon test de dépistage car il présente une valeur prédictive négative intéressante (discrimination des non-malades) ; par contre, le diagnostic repose bien sur les biopsies de prostate, précédées d’une imagerie par résonance magnétique (IRM).
Rappel des 10 critères d’intérêt d’une étude de dépistage selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS) :
1) La maladie dont on recherche les cas constitue une menace grave pour la santé publique.
2) Un traitement d’efficacité démontrée peut être administré aux sujets chez lesquels la maladie a été décelée.
3) Les moyens appropriés de diagnostic et de traitement sont disponibles.
4) La maladie est décelable pendant une phase de latence ou au début de la phase clinique.
5) Une épreuve ou un examen de dépistage efficace existe.
6) L’épreuve utilisée est acceptable pour la population.       
7) L’histoire naturelle de la maladie est connue, notamment son évolution de la phase de latence à la phase symptomatique.
8) Le choix des sujets qui recevront un traitement est opéré selon des critères préétablis.
9) Le coût de la recherche des cas (y compris les frais de diagnostic et de traitement des sujets reconnus malades) n’est pas disproportionné par rapport au coût global des soins médicaux.
10) La recherche des cas est continue et elle n’est pas considérée comme une opération exécutée « une fois pour toutes ». 
Source : Guide méthodologique. Comment évaluer a priori un programme de dépistage ? ANAES, 2004.
Question 7 - Au final, quelle attitude adoptez-vous aujourd’hui concernant le dépistage du cancer de prostate ?
Le dépistage systématique n’est pas recommandé actuellement.
Il s’agit bien de la stratégie de détection précoce, une discussion sur un dépistage pensé individuellement.
Le PSA n’est pas très sensible et il faut très souvent confirmer son élévation par un deuxième dosage.
Attention à la place nouvelle de l’IRM dans le dépistage.
Attention à la place nouvelle de l’IRM dans le dépistage.
Les recommandations actuelles ne proposent pas de dépistage systématique mais bien une détection précoce. « La détection précoce du cancer de prostate consiste à rechercher la maladie chez un patient asymptomatique considéré individuellement. Son évaluation se fonde sur l’analyse de l’état de santé de cet individu avec un objectif spécifique individuel. Il s’agit d’une pratique médicale réalisant la synthèse de données scientifiques et des objectifs de santé propres à ce patient, issue d’un colloque singulier entre un médecin et ce patient. »
Attention également à la place nouvelle de l’IRM !
Rozet F, Hennequin C, Beauval JB, et al. Recommandations en onco-urologie 2018-2020 du CCAFU : Cancer de la prostate. Progrès en urologie, 28, R81-R132. https://doi.org/10.1016/j.purol.2019.01.007.

 

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