Vivre en ville, un facteur de risque de schizophrénie ?
Exercez-vous aux ECN avec les dossiers progressifs et les LCA de La Revue du Praticien
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Cause ou conséquence ?
Initialement, ce phénomène a été interprété comme lié aux conséquences sociales du trouble. Selon l’hypothèse dite de la « dérive sociale » (« social drift »), les personnes concernées par la schizophrénie seraient contraintes, du fait de leur précarité, de vivre dans les quartiers urbains les plus défavorisés.
Plus récemment, un autre phénomène a été mis en évidence par plusieurs études épidémiologiques : en plus d’être une conséquence du trouble, le fait de vivre en ville pourrait aussi être impliqué dans son apparition (« social causation »).
En effet, le risque de développer une schizophrénie augmente avec le niveau d’urbanisation du lieu de résidence au cours des premières années de vie :
– l’incidence (nombre de nouveaux cas) est deux fois plus élevée dans les zones très urbanisées par rapport aux moins urbanisées ;
– le risque augmente avec la densité de population (relation dose-effet), et quelle que soit la période de résidence en ville au cours du développement (naissance, enfance, adolescence).
Notons que cet effet de l’urbanisation sur le risque de schizophrénie :
– n’est pas expliqué par d’autres facteurs : antécédents psychiatriques familiaux, caractéristiques socioéconomiques de la famille et du quartier, consommation de substances, etc. ;
– a été identifié exclusivement dans les pays développés ;
– existe pour d’autres troubles (bipolaires, spectre de l’autisme) mais est plus marqué pour la schizophrénie.
Quelles sont les raisons ?
Concernant l’interprétation en termes de causalité, l’apparition du trouble pourrait être liée à des caractéristiques de l’environnement plus fréquentes en ville. On n’a pas encore identifié avec certitude les facteurs de risque impliqués, mais plusieurs sont plausibles, avec de possibles effets cumulatifs :
– facteurs pouvant entraîner des perturbations du neurodéveloppement : infections prénatales et infantiles, déficit d’exposition au soleil, carence en vitamine D, pollution atmosphérique, déficit d’exposition aux espaces verts ;
– facteurs de stress psychosociaux augmentant le risque d’exprimer une vulnérabilité psychotique : isolement, discrimination, exclusion, interactions avec des personnes inconnues, etc.
Toutefois, à l’échelle individuelle, l’information sur le lieu où on a grandi n’a aucune valeur pour la prévention du trouble. Ce n’est qu’un des (nombreux) facteurs de risque (encadré) possiblement impliqués dans sa survenue. Les parents n’ont pas de reproche à se faire : avoir élevé son enfant à la campagne n’aurait sans doute pas permis d’empêcher l’apparition du trouble.
Pour en savoir plus :
Fiche ci-contre à télécharger ici.
Marcham L, Ellett L. Exposure to green spaces and schizophrenia: a systematic review. Psy Med 9 septembre 2024.
Pignon B, Szöke A, Ku B, et al. Urbanicity and psychotic disorders: Facts and hypotheses. Dia Clin Neur 2023;5(1):122-38.
Par la Pr Hélène Verdoux, professeur de psychiatrie, Université de Bordeaux, Inserm, centre de recherche « Bordeaux Population Health », équipe pharmacoépidémiologie, UMR 1219, France.
helene.verdoux@u-bordeaux.fr