Vous êtes pédiatre en maternité. L’infirmière vous demande d’examiner Léo, né la veille au terme de  38 semaines d’aménorrhée, pour des vomissements verdâtres survenus il y a quelques minutes.

À l’examen du dossier obstétrical de Mme S., la mère de Léo, vous notez les renseignements suivants :

Âge de la mère : 28 ans

Âge du père : 29 ans.

G1P1

Pas d’antécédent personnel ni familial notable.

Echographies anténatales :

12 semaines d’aménorrhée : clarté nucale 1 mm ;

22 semaines d’aménorrhée : morphologie normale. Estimation du poids fœtal au 30ème percentile.  Liquide amniotique de quantité normale ;

32 semaines d’aménorrhée : échographie normale.

 

Pas de dépistage du diabète gestationnel.

Prélèvement vaginal en fin de grossesse positif à streptocoque B.

Mise en travail spontanée à 37 + 6 semaines d’aménorrhée. Rupture de la poche des eaux 30 minutes avant le début des contractions utérines. Durée d’ouverture de la poche des eaux : 14 heures. Liquide amniotique clair. Température maternelle 38,1 °C en fin de travail.

Antibiothérapie par amoxicilline per partum.

Rythme cardiaque fœtal normal. Accouchement par voie basse.

Bonne adaptation à la vie extra-utérine, score d’Apgar 10/10. Examen clinique normal à 1 heure de vie.

Pas d’allaitement maternel souhaité.
Question 1: Quel(s) facteur(s) de risque d’infection néonatale bactérienne précoce identifiez-vous chez Léo ?  
La prématurité spontanée ( 37 SA) est un facteur de risque d’infection.
Le portage vaginal du streptocoque B est un facteur de risque majeur d’infection. L’antibioprophylaxie per partum permet de diminuer ce risque mais ne l’annule pas.
Dès 12 heures d’ouverture de la poche des eaux, le risque d’infection est multiplié par 3. Après 18 heures d’ouverture, le risque est majeur.
Relation linéaire entre la température de la mère et le risque d’infection, dès 38 °C.
La rupture prématurée des membranes avant 37 SA peut être considérée comme un facteur de risque d’infection, mais pas la rupture avant la  mise en travail
RAPPEL :Les facteurs de risque d’infection néonatale bactérienne précoce (anciennement infection materno-fœtale) identifiés dans la littérature sont les suivants :
prématurité spontanée ;
température maternelle > 38 °C, chorioamniotite ;
prélèvement vaginal positif à streptocoque B ;
ouverture de la poche des eaux > 12 heures.
Les facteurs de risque reconnus sont la température maternelle supérieure à 38 °C, la durée d’ouverture de la poche des eaux supérieure à 12 heures et le prélèvement vaginal positif à streptocoque B.
Question 2: L’attitude à adopter dans les premières heures de vie devra comporter ?
Pas d’indication à une antibiothérapie en l’absence de signe clinique chez Léo.
La seule indication de la tri-antibiothérapie chez le nouveau-né à terme infecté est la présence de signes de gravité de l’infection (choc, défaillance multiviscérale).
L’hémoculture est réalisée en cas de signe clinique, avant le début de l’antibiothérapie.
Pas d’indication à une hospitalisation.
Surveillance simple (clinique, parfois biologique selon les centres, pas de recommandation claire sur le sujet), en suite de couche, devant la bonne adaptation à la vie extra-utérine et la normalité de l’examen clinique en salle de naissance.
 
Attention à ne pas traiter par excès des facteurs de risque ou une CRP élevée chez un enfant ne présentant aucun signe clinique d’infection.
Vous examinez donc Léo à 24 heures de vie pour des vomissements verdâtres survenus il y a quelques minutes.
Léo est alimenté avec du lait premier âge, qu’il boit sans difficulté. Le méconium n’a pas été émis. Les vomissements sont survenus 1 heure après le dernier biberon.
À l’examen, l’hémodynamique est bonne, il n’y a pas de signe de lutte respiratoire ni de signe de gravité neurologique. Vous ne percevez pas de bruit hydro-aérique.
Voici l’abdomen de Léo :
Question 3: Quelles est (sont) votre (vos) hypothèse(s) diagnostique(s) ?
Pas de vomissement vert dans les sténoses hypertrophiques du pylore car obstruction en amont du canal de Wirsung. Il n’y a pas de distension des anses et donc pas de ballonnement abdominal. Survenue plus tardive, en moyenne vers 3 semaines de vie.
Première hypothèse à évoquer car il s’agit d’une urgence chirurgicale.
Tableau d’occlusion néonatale. La normalité des échographies anténatales n’élimine pas le diagnostic.
Lié à l’obstruction intraluminale par des billes méconiales.
La Maladie de Hirschsprung peut se révéler dès la période néonatale ou plus tardivement. À évoquer en cas de retard d’émission du méconium (après 48 heures), même en l’absence de syndrome occlusif franc.
RAPPEL : La présence de vomissements verts en période néonatale est toujours pathologique.
Un tableau d’occlusion néonatale doit faire évoquer les hypothèses diagnostiques suivantes :
Atrésie duodénale : occlusion haute, donc abdomen plat. 25 % des cas associés à une trisomie 21. Souvent hydramnios en anténatal.
Atrésie jéjunale : distension abdominale. Pas d’anomalie chromosomique associée. Le pronostic dépend de la longueur de grêle restant.
Volvulus du grêle : vomissements bilieux avant J7 de vie. Traitement chirurgical en urgence.
Iléus méconial : Dans 90 % des cas, mucoviscidose associée. Iléus méconial chez 15 % des enfants atteints de mucoviscidose.
Maladie de Hirschsprung : manifestations cliniques diverses (retard d’émission du méconium, occlusion, constipation chronique). Anomalies chromosomiques parfois associées (trisomie 21). Absence de cellule ganglionnaire dans la sous-muqueuse et dans les plexus mésentériques. Touche toujours le rectum. Diagnostic par biopsie à la sonde de Noblett et examen anatomo-pathologique.
Malformations ano-rectales
Atrésie colique
Duplication digestive
Microcôlon congénital : diagnostic d’élimination, nouveau-né de mère diabétique.
Vous suspectez un volvulus du grêle.
Question 4: Quel examen réalisez-vous pour affirmer le diagnostic ?
Donne des arguments en faveur (occlusion haute/basse), permet de rechercher des signes de gravité (pneumopéritoine), mais ne permet pas d’affirmer le diagnostic.
Permet de visualiser l’inversion des vaisseaux mésentériques (artère et veine), posant le diagnostic.
L’échographie est l’examen de choix, et permet d’éviter l’irradiation du scanner.
L’opacification digestive basse est un bon examen en cas de suspicion de maladie de Hirschsprung ou d’iléus méconial, pas en cas de suspicion de volvulus du grêle. On peut par contre avoir recours à une opacification digestive haute de type cadre duodénal pour poser le diagnostic de volvulus du grêle, après s’être assuré de l’absence de perforation digestive (pneumopéritoine à l’ASP)
L'entéro-IRM e permet pas de poser le diagnostic.
 
RAPPEL : Stratégie diagnostique des occlusions néonatales
Occlusions hautes
Vous réalisez l’examen suivant.
Question 5: Interprétez-le
Car nous pouvons visualiser de nombreuses anses grêles dilatées
Le pneumopéritoine se manifesterait par la présence d’air sous les coupoles diaphragmatiques et la visualisation du ligament rond devant le foie.
Les contre-indications du lavement opaque sont le pneumopéritoine et la présence de calcifications péritonéales (témoin d’une perforation digestive en anténatal)
Pas d’aération du rectum et du côlon en amont.
 
L’ASP de face est l’examen de première intention en cas de vomissements néonataux bilieux. Il permet :
de définir la topographie de l’occlusion : haute/basse ;
de définir le degré d’occlusion : complète/incomplète ;
de rechercher des anomalies associées : calcifications, épanchements, anomalies osseuses ;
d’orienter les explorations radiologiques.
Vous réalisez l’examen suivant.
Question 6: Interprétez-le
L’hyperclarté visible sous la coupole diaphragmatique gauche correspond à l’estomac.
L’opacification digestive haute de type cadre duodénal/TOGD permet de mettre en évidence un volvulus du grêle, pas l’opacification digestive basse.
En cas de maladie de Hirschsprung, le lavement mettra en évidence une disparité de calibre avec un côlon/rectum de petit calibre dans la zone malade et une dilatation du tube digestif en amont.
Arrêt de la progression du produit de contraste. Visualisation de défects dans le produit de contraste pouvant correspondre à la présence de billes méconiales.
La présence d’un côlon de petite taille est compatible avec la présence d’une atrésie jéjunale.
 
RAPPEL : Le lavement opaque dans les occlusions néonatales :
Indication : occlusions basses. A visée diagnostique et parfois thérapeutique (hydrosolubles).
Contre-indications : pneumopéritoine. Calcifications digestives (= perforations anténatales)
Critères normalité : bonne progression du produit. Pas de segment dilaté ni rétréci. Bonne vidange en évacuation. Anneaux de contraction complets. Muqueuse régulière. Diamètre rectum > diamètre reste colon
Vous concluez à un iléus méconial
Question 7: Quelle est votre prise en charge thérapeutique en première intention ?
Aspiration digestive seule (sans autre traitement), permettant la plupart du temps de lever l’obstacle
Traitement utilisé dans la maladie de Hirschsprung en attendant la prise en charge chirurgicale.
Permet parfois de lever l’obstacle en évacuant les billes méconiales et ainsi d’éviter une prise en charge chirurgicale.
Pas de traitement chirurgical en première intention (si échec du lavement thérapeutique), et iléostomie de décharge très rarement nécessaire en cas d’iléus méconial.
Vous réalisez un lavement aux hydrosolubles qui permet de lever le syndrome occlusif.
Léo est toujours hospitalisé en néonatologie. Il est alimenté avec un hydrolysat de protéines de lait de vache depuis l’épisode de syndrome occlusif, ses apports caloriques sont normaux pour le terme. Le transit est fait d’une dizaine de selles par jour, liquides.
Voici sa courbe de poids :
Question 8: Interprétez la courbe de poids.
Perte de poids dans les premiers jours de vie, mais le poids de naissance doit être rattrapé avant le 10es jour de vie. Puis prise de 20 à 30 grammes par jour le premier mois.
Un nouveau-né peut perdre jusqu’à 10 % de son poids de naissance pendant les 3 premiers jours de vie.
Perte de poids dans les premiers jours de vie, mais le poids de naissance doit être rattrapé avant le 10es jour de vie. Puis prise de 20 à 30 grammes par jour le premier mois.
Léo a perdu plus de 10% du poids de son corps. Sa prise de poids est insuffisante. Un bilan complémentaire à visée étiologique et pour évaluer le retentissement de cette perte de poids est indiqué.
À partir de J3, les nourrissons ne doivent plus perdre de poids, mais ils récupèrent leur poids de naissance seulement dans les jours suivants.
Question 9: Parmi les signes suivants, constatés lors de l’examen clinique de Léo à J10, une déshydratation  est attestée par :
Le livedo est physiologique chez le nouveau-né, ne pas confondre avec les marbrures témoignant d’une défaillance hémodynamique.
Perte de poids > 10%
RAPPEL : Signes cliniques de déshydratation chez l’enfant
perte de poids ;
cernes périoculaires, fontanelle déprimée, pli cutané abdominal (extracellulaire) ;
soif (chez les plus grands), sécheresse des muqueuses (intracellulaire) ;
signes d’hypovolémie : tachycardie, réduction de la diurèse, signes de choc
Question 10: La diarrhée avec déshydratation présentée par Léo peut correspondre à :
Absence de manifestation clinique de type IgE médiée (pas d’urticaire, pas de vomissement). Perte de poids trop rapide pour une réaction non IgE médiée. Nourrit avec un hydrolysat de protéine de lait de vache.
Cause classique de diarrhée néonatale grave.
Dans le cadre d’une mucoviscidose. Principale hypothèse car antécédent d’iléus méconial
Rare à cet âge mais possible.
Cause classique de diarrhée néonatale grave.
La trypsine immuno-réactive (TIR) dosée lors du test de Guthrie à J3 est normale.
Question 11: Parmi les examens complémentaires suivants, quels sont celui ou ceux que vous demandez en première intention pour étayer votre suspicion diagnostique ?
Uniquement dans le cadre du dépistage néonatal anormal (cf algorithme)
Indiqué en cas de suspicion clinique de mucoviscidose, même si le dépistage néonatal par dosage de la TIR était normal (3 % de faux négatifs).
Uniquement si le test de la sueur est anormal ou dans le cadre du dépistage néonatal si la TIR est élevée (cf algorithme)
Attention, une TIR normale n’élimine pas le diagnostic de mucoviscidose, 3 % de faux négatifs.
RAPPEL dépistage néonatal
Le test de la sueur doit être réalisé chez tous les enfants présentant un iléus méconial, même si le dosage de la TIR lors du test de Guthrie est normal  (3 % de faux négatifs), et dans tous les cas de suspicion clinique de mucoviscidose. Si le test de la sueur est anormal, le diagnostic est posé. La recherche de mutations est ensuite effectuée, mais ne remplace par le test de la sueur
Dans le cadre du dépistage néonatal, l’algorithme décisionnel est représenté ci-dessous :
Le dépistage néonatal systématique de la mucoviscidose en France : Etat des lieux et perspectives après 5 ans de fonctionnement – HAS 2009
 Voici les résultats des deux tests de la sueur réalisés chez Léo à 48 heures d’intervalle :
test 1 : chlore sudoral 100 mmol/L ;
test 2 : chlore sudoral 70 mmol/L.
Question 12: Comment interprétez-vous les résultats ?
La TIR était normale chez Léo, mais ceci n’exclut pas le diagnostic (3 % de faux négatifs).
Seuil > 60 mmol/L.
L’étude génétique est un complément nécessaire au test de la sueur, mais la confirmation diagnostique repose sur le test de la sueur.
La confirmation diagnostique repose sur un test de la sueur anormal à deux reprises ( Cl > 60 mmol/L).
La confirmation diagnostique repose sur un test de la sueur anormal à deux reprises (Cl > 60 mmol/L).
Le diagnostic de mucoviscidose est posé chez Léo.
Question 13: Le bilan complémentaire à réaliser chez Léo comporte ?
Le diagnostic est posé par le test de la sueur, la recherche des mutations causales doit être réalisée ensuite.
Examen à réaliser systématiquement au diagnostic, même chez le nourrisson.
Examen à réaliser systématiquement au diagnostic, même chez le nourrisson, pour rechercher une insuffisance pancréatique exocrine.
La spirométrie n’est réalisable qu’à partir de 5 ans environ !
Un bilan de retentissement est indiqué lors de la découverte de la mucoviscidose, la radiographie de thorax en fait partie, même en l’absence de signe clinique respiratoire au diagnostic.
Léo est porteur d’une mutation Delta F508 du gène CFTR à l’état homozygote.
Question 14: Mme S., 28 ans, vous interroge sur les  risques de récidive et sur les possibilités de diagnostic anténatal ou pré-implantatoire pour une future grossesse. Que lui répondez-vous ?
Les mutations sont identifiées chez le cas index (Léo), rendant possible la procédure de diagnostic pré-implantatoire.
Les mutations sont identifiées chez le cas index (Léo), rendant possible la procédure de diagnostic prénatal. Un diagnostic prénatal précoce à 12 SA est à préférer à l’amniocentèse plus tardive (à partir de 15 SA) car il permet une interruption médicale de grossesse précoce sous anesthésie générale par aspiration en cas de résultat défavorable.
Il s’agit d’une maladie récessive, le risque est donc de 1 sur 4 d’avoir un enfant homozygote.
Si l’enfant n’est pas atteint, il est soit homozygote sain, soit hétérozygote pour la mutation de la mère, soit hétérozygote pour la mutation du père
Il s’agit à l’heure actuelle d’une maladie incurable et d’une particulière gravité.
Mme S. est de nouveau enceinte mais ne souhaite finalement pas de diagnostic prénatal.
Question 15: Parmi les signes échographiques suivants, quels sont ceux qui vous orienteraient vers le diagnostic de mucoviscidose chez le fœtus ?
Témoin d’une perforation digestive avec péritonite méconiale
Malformation pulmonaire non associée au diagnostic de mucoviscidose.
Pas d’augmentation du risque de RCIU chez les enfants atteints de mucoviscidose.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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